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Programme LIFE

Les modes de concentration

 

A chaque instant, notre attention est focalisée dans une direction donnée. Que ce soit vers l'extérieur ou à l'intérieur de nous, que ce soit sur une pensée, une anticipation du futur ou un souvenir, nous avons en permanence une concentration ciblée sur un des quatre cadrans suivants :

 

Mode concentration

 

- Le mode externe large correspond à une focalisation attentionnelle portée sur des éléments externes, visuels ou auditifs, de façon étendue : je regarde la forêt dans son ensemble. On ne porte pas son attention sur un détail en particulier, au contraire on essaie d'absorber les informations venant de plusieurs stimuli. Quand je regarde le ciel dans son ensemble en tant que pilote, la chambre entière d'un patient ou le parcours de golf devant moi, je suis en externe large.

- En mode externe étroit, je vais focaliser mon attention sur un stimulus en particulier. Que ce soit un détail visuel comme la feuille d'un arbre, ou auditif, un bruit spécifique ou une musique, ma concentration se cible sur une source. De nombreuses actions critiques demandent un mode de concentration externe étroit, comme les cordes vocales du patient lorsqu'un médecin s'apprête à intuber, la ligne de plan lorsqu'un pilote s'apprête à poser l'avion, ou un point spécifique de la balle que le golfeur s'apprête à taper. Nous verrons dans l'exemple réel si après le risque d'"Anyway" qui s'applique en cas de mauvais mode de concentration dans l'action.

- En interne large, je suis plongé dans un souvenir ou dans l'anticipation d'un futur, de façon étendue. Je revois par exemple mes vacances en Grande-Bretagne ou au Canada, ou je projette dans ma tête les conséquences de l'action que je m'apprête à effectuer, ou des objectifs que je me fixe. La projection mentale va utiliser le mode interne, large et étroit, afin de préparer la réalité à venir. Elle va de se fait permettre une meilleure concentration externe lors de l'action en tant que telle.

- En interne étroit, je suis focalisé sur un détail particulier de mon imagination, ou sur une sensation corporelle (douleur, grattage...) spécifique. Si vous portez votre attention sur les capteurs de pression de vos pieds ou de vos fessiers qui vous informent de votre position, vous reportez votre attention de façon interne et étroite. La même chose si vous repensez au volant de votre première voiture, ou au bruit de son klaxon. Un stimulus interne étroit peut accaparer l'attention au détriment des autres modes de concentration, en particulier quand il s'agit d'un stimulus physique. Une étude a démontré une tendance à la diminution des performances chez les chirurgiens lorsqu'ils ont envie d'uriner, avec un risque d'erreur per-critique accru.

Toute action va demander un "profil" de modes de concentration bien spécifique : un gardien de but va se focaliser en externe étroit sur le ballon, et, s'il le récupère, va alterner avec de l'externe large pour prendre en compte tout le champ de jeu devant lui, puis en externe étroit pour regarder le ballon qu'il s'apprête à relancer. Selon qu'il soit majoritairement kinesthésique, il utilisera peut être ses sensations (du ballon dans sa main, de la mobilité de ses jambes), c'est à dire des données internes, afin de peaufiner son action. Un infirmier projeté en opération extérieure qui prend en charge un blessé sous le feu devra alterner en permanence entre de l'externe étroit (la prise en charge médicale proprement dite) et de l'externe large (comment évolue la situation, suis-je en danger?). Si ce dernier est toujours sur son patient alors que le convoi est en train de repartir, il n'est pas dans le bon mode. Si je joue avec mon fils à monter un château de cartes mais que je passe tout mon temps à penser à ma réunion de lundi, je ne suis pas dans le bon mode.

Avant toute action critique, posez-vous la question : "est-ce que je suis focalisé sur la bonne information, dans le bon mode?". En effet, je peux très bien "regarder" dans un direction sans vraiment "voir ou entendre" ce qui est important. C'est l'histoire que j'ai choisi de développer dans l'encadré exemple réel.

 

Surface rugueuse

Exemple réel

Une collègue médecin d'un ancien service des urgences dans lequel je prenais des gardes se retrouve seule sénior, du fait d'un départ du SMUR (Structure Mobile d'Urgence et de Réanimation, une équipe de Médecin, Infirmier et Ambulancier qui partent directement sur les urgences extérieures à l’hôpital, le 15 en France) sur une intervention et d'une non-disponibilité du réanimateur, engagé sur un accouchement difficile. Elle s'engage donc sans appui médical sur une procédure d'intubation d'un jeune patient de 22 ans en pleine crise d'asthme aigu grave. Il s'avère que le jeune homme ressemble à un ancien patient de la médecin, dont elle avait raté une de ses premières intubations. Cette situation la plonge très rapidement dans la zone de panique, mais du fait de l'urgence médicale, elle lance la séquence d'intubation et se met en place. Au moment critique de mettre en place le tube d'intubation dans la bouche, alors que l'on tient le laryngoscope dans l'autre main pour éclairer la gorge et bien se place, on est censé focaliser son attention sur les cordes vocales, afin de glisser le tube jusqu'à une marque qui définit la bonne longueur. A ce moment précis, la médecin nous racontera lors du debriefing qu'elle "regardait" les cordes vocales, mais qu'elle "voyait" dans sa tête une personne, floue, qui déchirait son diplôme de médecine. La panique avait engendré une catastrophisation (voir les biais cognitifs pour en savoir plus) qui avait généré des pensées fortement négatives, allant jusqu'à la perte de son diplôme. Sous le coup du stress, elle a tout de même effectué le geste, le fameux "anyway" ("I go anyway", en Français "j'y vais quand même", est une action où nous ne sommes pas totalement prêt mais nous engageons quand même le processus). Le résultat est une prophétie auto-réalisatrice : une intubation en sélectif, c'est à dire mal positionné, qui a demandé une seconde prise en charge plus longue et compliquée.

Au moment d'intuber un patient, je prends toujours conscience de mon mode de concentration. Si je ne vois pas ce que je regarde, et donc évolue dans un mauvais mode, c'est qu'il faut soit que je recommence la séquence en entier, soit que je prenne au moins le temps de me recentrer sur l'action.

Le 28 décembre 1978, le Vol United Airlines 173 s'est crashé à côté de l'aéroport après plus de 30 minutes de tours en vol, du fait d'un voyant indiquant un problème de train d'atterrissage mal sorti, pourtant confirmé comme bien positionné par le mécanicien navigant de bord, car l'équipage, focalisé sur la problématique du train, a oublié de prendre en compte la jauge d'essence ...

 

REFERENCES - POUR ALLER PLUS LOIN

- Aviation Safety Network, « Accident description - United Airlines 173 » [archive], sur aviation-safety.net

 

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Système 1 et système 2

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La gestion de l'erreur

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Projection de la Terre

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