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Programme LIFE

Les processus cognitifs

Introduction au sous-module cognitionFabien RAMON
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Nous aborderons ici les processus cognitifs qui nous semblent les plus important à connaitre afin de comprendre nos propres modes de fonctionnement cérébraux et de gagner en conscience de soi. En effet, nous avons tendance à penser que nous savons ce qui se passe dans notre cerveau lorsque nous agissons et prenons des décisions. Pourtant, de nombreux processus de simplification, de distraction et de distorsions sont à l’œuvre, agissant dans l'ombre et modifiant potentiellement les résultats obtenus. Si ces résultats ne correspondent pas à nos attentes, ces processus inconscients peuvent s'amplifier, créant de véritables boucles de modulation, tout cela sans que vous ne vous en rendiez compte consciemment.

Le but de ce module est justement de vous faire prendre conscience de tout cela, de passer du statut d'incompétence inconsciente, vers celle d'incompétence consciente, puis de compétence consciente. En effet, comprendre puis pouvoir agir sur ses processus cognitifs est une véritable compétence qu'il faut tout d'abord connaitre, puis comprendre, enfin finalement de pouvoir avoir une action concrète. Il n'existe pas de hiérarchie de processus, vous pouvez consulter les chapitres suivants dans l'ordre que vous souhaitez.

LES PROCESSUS ÉMOTIONNELS

Emotions
Les processus émotionnelsFabien RAMON
00:00 / 13:17

Nous reprenons ici la définition de Christophe Andre pour définir les émotions comme des contenus mentaux, conscients et inconscients, mêlant états du corps, sentiments et pensées automatiques, et qui vont influencer la plupart de nos attitudes. Ce ne sont pas seulement des assemblages indépendants, mais plutôt des constructions originales et inédites, qui comportent néanmoins des caractéristiques de bases récurrentes, ce qui nous permet de les reconnaitre, pour peu que l'on ait un peu d'entrainement mental. On parle bien de processus, c'est à dire d'événements dynamiques en constante évolution. Chaque émotion possède en effet certains déclencheurs, sont liées à des sensations particulières et font références à un besoin interne, satisfait ou non. En fait, chacune de ces composantes sont uniques pour chacun, et nous devons tous nous attacher à découvrir ce qui se cache dernière chacune de nos émotions. Néanmoins, certains dénominateurs communs sont accessibles, et voici par exemple un schéma représentant les données des émotions principales dans une population variée :

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L'autre élément important à prendre en compte avec nos émotions correspond à l'intensité de ces dernières. S'il est essentiel de savoir quel type d'émotion nous sommes en train de traverser, il est tout aussi important de connaitre le niveau d'activation de cette émotion. Si je suis en colère, il existe une véritable différence entre être irrité, exaspéré, fâché, haineux ... Comme le disait Aristote :

 

"Il est à la portée du premier venu de se mettre en colère. Mais de se mettre en colère au bon moment, contre la bonne personne, à la bonne intensité et pour le bon motif, cela nécessite une véritable intelligence, que seuls quelques personnes possèdent".

Apprenez à définir l'intensité de vos émotions, par exemple en utilisant une échelle. Si je suis en colère, à quel niveau ? Si je devais côter de 1 à 10 mon niveau d'énervement, ce serait à combien ? Pourquoi est-ce important ? Un exemple concret : je reçois un jour en consultation une personne, qu'on nommera Jon, qui avait des problèmes d'excès de colères. Lui demandant un exemple récent, il m'a cité ceci : "c'était au bureau. Mon collègue, dans la même pièce que moi, a jeté une boulette de papier dans la poubelle mais l'a raté, elle est tombé à côté. Ca m'a enragé, je ne supporte pas le désordre". Lorsque je lui ai demandé si "enragé" (côté à 9/10 sur l'échelle de la colère selon lui) était le bon terme, il m'a répondu que non, on n'était plutot sur un petit énervement à 2/10. Le problème, c'est que votre cerveau ne fait pas la différence si vous n'utilisez pas de termes concrets et de références précises. Il est essentiel de savoir de quoi l'on parle en termes d'émotions, afin de ne pas se sur ou sous-activer inutilement. Apprenez à mettre des termes sur vos émotions, puis sur leurs niveaux d'activation (les termes utilisés sont à titre indicatifs et ne correspondent pas forcément à votre échelle d'activation, modifiez les à votre guise !) :

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L'émotion étant une réaction neuro-chimique, leur survenue est obligatoire et non contrôlable (hormis certaines pathologies ou post-traumatismes). Le but n'est pas tant de « stopper » nos émotions ou de les refouler, mais plutôt de les accepter pour ce qu'elles sont, des éléments indispensables de notre fonctionnement qui agissent comme des signaux dont il faut savoir tenir compte, puis de les intégrer afin d'utiliser leur énergie de façon optimale. Tout ceci dans le but de comprendre nos besoins primordiaux, et ainsi de savoir comment les combler.


La création d'un état émotionnel au sein de notre corps et de notre esprit va fortement influencer nos performances dans l'action. C'est en cela que la bonne compréhension de ce qu'est une émotion est essentielle et que les techniques de modulation (relaxation, respiration, dynamisation) sont aussi importantes. Puisque l'émotion s'inscrit dans le registre corporel, les techniques qui nous permettent d'y accéder en font également parti, au moins en partie. C'est pourquoi la respiration et la relaxation sont aussi présentes dans les protocoles de développement personnels, elles préfigurent une parfaite porte d'entrée à l'introspection et la prise de contact avec notre système limbique (émotionnel).

Cet état émotionnel va conditionner la façon dont nous allons nous comporter face à une situation. Si nous laissons l'état émotionnel nous submerger, il est probable que nous réagissions à l'événement en perdant en partie le contrôle conscient. Si par contre nous prenons en compte notre état émotionnel immédiatement et que nous mettons en place une technique de modulation (respiration...), il nous est alors possible de répondre (et non plus réagir) à la situation et donc de garder une lucidité et une performance plus importante.

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Attention

 

L'ATTENTION

06 Neuro Cognition AttentionFabien RAMON
00:00 / 21:23

Clé de voute de la formation POWER-S et de l'amélioration de notre efficacité dans l'action, la maitrise de nos processus attentionnels est une étape essentielle à tout développement personnel, surtout dans le cadre de la performance en situations critiques. Comme le dit François Maquestiaux dans son livre Psychologie de l'attention, « tout comportement intelligent s'appuie sur nos capacités attentionnelles ».

L'attention est un processus dynamogénique, c'est à dire qu'il est en perpétuelle adaptation en fonction de nos états internes et des stimuli reçus. Elle consiste à fixer l'esprit sur une information particulière, au détriment d'autres sources informatives.

Les neurosciences cognitives, et en particulier l'essor de l'IRM fonctionnelle et de l'EEG, tendent à nous démontrer que l'attention « sélective », orientée vers une source définie par notre champs de conscience, est très limitée, et accompagnée d'un sentiment d'effort : « l'attention volontaire est un état anormal,non durable, produisant un épuisement relativement rapide de l'organisme, car au bout de l'effort se trouve la fatigue, et au bout de la fatigue, l'inactivité fonctionnelle » (Ribot, 1889).

Dans les années 1970-80, de nombreux travaux sont menés pour comprendre la capacité attentionnelle des individus. Pour Kahneman, en 1973, l'allocation de l'attention est sous contrôle de l'intention de l'individu, en fonction de la saillance des stimuli présentés. En résumé, nous pouvons allouer notre attention en fonction de ce que l'on souhaite obtenir, mais ces objectifs entrent en compétition avec les informations qui nous arrivent de l'extérieur. Si je suis au régime et que je conduis ma voiture, je peux chercher à diriger mon attention vers la route, la voiture de devant … Mais le panneau d'affichage du Burger King d'à côté peut rapidement capturer mon attention.

D'autre part, la quantité d'attention dont nous disposons pour traiter des informations au niveau central est limitée. Lorsque de nombreuses tâches vont avoir besoin d'attention centrale, certaines de ces tâches vont être traitées en simultané de façon sous-optimale, ou délayées dans le temps du fait d'un goulot d'étranglement attentionnel. Dans ces cas de figure, même les tâches censées être automatiques peuvent ne plus être effectuées correctement. Toujours au volant de votre voiture, vous conduisez sans porter une attention consciente aux mouvements de votre volant, votre gestion du pédalier, voire même vos regards dans le rétroviseur. Mais si votre levier de vitesse se bloque, toute votre attention va se reporter sur le traitement de cette information urgente et non-attendue. Au risque de ne plus regarder vos rétroviseurs et/ou de mal mobiliser votre volant.

Le cas d'Elaine Bromiley, 35 ans et en parfaite santé, est un bon exemple de tunnelisation attentionnelle dans le milieu médical. Alors que cette dernière rentrait à l’hôpital en Mars 2005 pour subir un redressement de la cloison nasale (opération relativement simple et codifiée) sous anesthésie générale, elle est décédée après quatre jours de coma par défaut d'oxygénation cérébrale. En effet, les trois anesthésistes-réanimateurs n'ont pas réussi à mettre en place l'intubation, et ce pendant plus de 25 minutes, sans prendre la décision ni de re-ballonner la patiente, ni de la coniotomiser, alors même que l’infirmière leur présentait le kit de trachéotomie.A aucun moment pendant les 25 minutes de tentatives d'intubation, le no-flow hypoxique n'est apparu comme nécessitant une contre-mesure immédiate. A ce moment, toute l'attention des trois médecins est dirigée vers le blocage du processus. Vous pouvez trouver d'autres analyses de ce type de tunnelisation dans l'excellent ouvrage de Christian Morel, les décisions absurdes.

Les études de Shepard et al en 1986 ont montré qu'il est tout à fait possible d'avoir une attention visuelle différente du point de fixation visuel. Je peux prêter attention à ce qui se trouve dans la périphérie de regard, ou dans mon dos, ou aux pensées dans mon esprit, tout en fixant un point devant moi. Par contre, le déplacement de l'attention dans une direction précédera toujours le déplacement du regard. Puisque l'attention sous-tend une intention de compréhension ou de captation d'information, il n'est pas possible de détourner son attention dans une direction tout en mobilisant le regard vers une autre. Ainsi, plus un stimulus « attire » votre attention dans votre champs visuel, plus vous risquez de détourner votre attention vers lui. Bloquer la mobilisation automatique de l'attention pour continuer de traiter l'action en court possède un coût cognitif, appelé effet Stroop (du psychologue J.R. Stroop). Plus vous faites face à des distracteurs, et plus le coût cognitif pour ne pas vous laisser embarquer dans l'un d'eux va vous couter en énergie. Essayez de vous concentrer sur le puzzle que vous montez avec votre enfant, alors que BFM TV est en fond sonore et que vos alertes Whatsapp et mails sont actives. Votre attention va faire des va et viens cognitifs, se traduisant par une perte de performance dans l'action en cours (ici, monter le puzzle et surtout, interagir favorablement avec son enfant). De même, pendant une action critique comme l'intubation, vous devez être focalisé sur le processus en cours, en intégrant immédiatement les résultats issus de vos comportements (par exemple, échec de l'intubation), afin de vous orienter vers l'objectif attendu. Si au contraire, pendant l'action, mon attention est focalisée sur les conséquences potentielles de mes comportements (« si on ne l'intube pas très vite, elle va mourir, il faut absolument réussir »), je risque de créer une dissociation entre mes mouvements corporelles et ma physiologie d'une part, et mon attention d'autre part : je continue les gestes d'intubations sans réellement « voir » les cordes vocales ni le tube, mais plutôt des images mentales des conséquences attendues que je cherche justement à éviter. C'est le concept de prophétie auto-réalisatrice : je prophétise inconsciemment mon échec et ma focalisation attentionnelle sur cette possibilité le concrétise :

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Comme nous l'avons vu, notre attention est en partie guidée par nos intentions, sous tendues par nos objectifs, en lien ou non avec nos valeurs fondamentales et notre cœur identitaire. La qualité de votre contrôle attentionnel déterminera la qualité de votre vie, puisque vous porterez votre attention sur les activités importantes pour vous à long terme, et vous serez capable de sortir d'une distraction attentionnelle du fait d'une capture par un stimulus non voulu (ou non attendu). Pour cela, deux choses sont nécessaires :

  • D'une part, définir précisément ses objectifs à court et surtout à long terme et les lier à des valeurs qui vous sont importantes, afin de créer une motivation interne permettant à votre attention de suivre vos intentions (plus votre motivation est externe, plus votre attention aura tendance à s'évader de l'action). Nous étudierons la cohérence interne et la mise en place d'objectifs dans le chapitre suivant.

  • D'autre part, et en particulier pour les actions dites critiques (avec un enjeu important), prendre le temps d'anticiper les distracteurs potentiels, et visualiser les contre-mesures que l'on peut mettre en place où la refocalisation attentionnelle la plus rapide. Pour cela, nous verrons dans le quatrième chapitre des techniques permettant de se visualiser dans l'action, dont la plus utilisée actuellement, la projection mentale.

Les théories top-down de Folk et al. (2008) suggèrent que l'état mental dans lequel se trouve un individu pourrait déterminer quels stimuli présents dans l'environnement guideraient la capture attentionnelle. Autrement dit, vos processus émotionnels et vos humeurs guident votre attention, et c'est un phénomène que l'on étudie de plus en plus en psychologie cognitive : les informations relevées lorsque nous sommes en colère ou triste ne sont pas les mêmes que celle récoltées lors d'une humeur joyeuse ou sereine. D'autre part, le degré d'activation énergétique et attentionnel va déterminer notre capacité à remarquer les informations importantes que l'on est censé prendre en compte. Plus une activité est répétitive, moins nous allons y allouer d'attention, quand bien même cette activité représente un objectif en soi. Folk et al en 1992 ont montré que lorsque des personnels de sécurité d'un aéroport regarde des valises passant sous Rayons X, ils seront beaucoup plus efficaces en cas d'occurence d'objets suspects élevée (50% d’occurrences, 7% d'erreurs) que s'il y a peu d’occurrences d'objets suspects, ce qui conduit à un ennui de la personne (1% d'occurrences, 30% d'erreurs). De la même façon, mes performances en termes diagnostiques et thérapeutiques seront probablement meilleurs si je passe une garde à voir des pathologies variées et intéressantes, plutôt qu'une seule et même maladie.

Il est à noter que l'attention est à différencier de deux autres entités que sont la mémoire de travail et la mémoire à court terme, car des amalgames sont fréquents entre ces différents processus cognitifs. L'attention correspond à l'endroit où nous fixons notre conscience à un instant donné, elle est limité à un élément informatif à la fois demandant un traitement central. La mémoire à court terme est une composante passive qui retient, pendant une courte période, entre 5 et 9 empans mnésiques (unités d'information). La mémoire de travail quant à elle correspond à un processus actif de rétention d'informations dans le champs de l'esprit, pendant une courte période, en lien avec une intention et/ou un objectif donné, correspondant à 3 à 5 empans mnésiques. L'attention peut être amenée à se mobiliser en regard d'un ou plusieurs de ces empans, ce qui va les activer et ainsi les consolider dans le champs de mémoire, ou ne pas s'y intéresser, ce qui les conduira à être remplacés par de nouveaux éléments. Engle en 2002 stipulait que « améliorer sa capacité de mémorisation ne consiste pas à travailler directement sa mémoire, mais plutôt à utiliser correctement son attention afin de maintenir ou de supprimer des informations ». Ainsi, si vous souhaitez apprendre de nouvelles connaissances, il est essentiel d'orienter votre attention vers des éléments qui vous importent et qui sont connectés avec vos objectifs et valeurs. Quelque soit l'endroit ou la source d'information vers lesquels vous allez vous orienter, vous récupèrerez des données, de façon volontaire ou involontaire. En plus de créer des processus émotionnels parfois non voulus, se laisser submerger par des sources d'informations non cohérentes avec mes objectifs va fortement diminuer ma capacité à me concentrer sur ce qui est important pour moi. Choisissez en permanence consciemment ce que vous voulez obtenir comme informations, et vous améliorerez largement votre capacité mémorielle.

Defi Ressouces

 

LA PERCEPTION DU DÉFI ET DES RESSOURCES

Le Schéma Ressources / Défi représente une des bases de la compréhension des différentes modes d'efficacité lors d'une action, quelle qu'elle soit. En effet, que vous souhaitiez sauter en parachute et faire des figures en chute, placer une perfusion ou intuber, interagir avec votre enfant ou battre tel dragon à The Witcher, votre appréhension de l'action à venir se fait en fonction de deux paramètres principaux : votre perception du challenge et votre perception des ressources à votre disposition pour y faire face :

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Et il est essentiel d'insister sur la notion de perception. En effet, il arrive de façon récurrente que nous sous ou sur-estimions le défi à venir, et/ou que nous sous ou sur-estimions les ressources dont nous disposons, en particulier les ressources internes : sérénité, capacités, énergie … L'exemple le plus simple étant par exemple le fait de parler en public : je sur-estime de façon importante le challenge (alors que de façon purement rationnelle, il n'est question que de parler, ce que l'on sait généralement faire de façon automatique), et je sous-estime largement mes ressources (« je n'en suis pas capable, je ne vais pas être fluide, ils vont se moquer de moi ... »).

 

Ainsi, en fonction de ces deux perceptions, cinq grandes zones vont se dessiner, certaines possédant des sous-catégories :

 

Lorsque nous percevons nos ressources comme équivalentes au challenge, cela débloque en nous une certaine sensation que les sportifs de haut niveau décrives comme « être dans la zone ». C'est l'état de Flow définit et étudié par Mihaly Csikszentmihalyi, un état de concentration totale sur la tâche, avec une fluidité dans la gestuelle, une attention parfaitement dirigée vers l'action et détaché des distracteurs potentiels, et un vrai plaisir dans l'effectuation de la tâche.

 

Cet état ne nécessite pas forcément de défi immense pour s'activer, ni des conditions extérieures favorables. Csikszentmihalyi a retrouvé une définition de cet état de bien-être chez des rescapés des camps de concentration nazi, alors que ces derniers sortaient en plein air et apercevait un oiseau voler dans le ciel. Par contre, le plaisir lié à la réalisation de la tâche semble une constante, une sensation de profonde joie intérieure quasi-inexplicable.

 

Christian Target et Ingrid Petitjean, coaches spécialisés dans les sportifs de haut niveau, définissent deux types différents de Flow :

→ La Fluidité Bien-Être (FBE) qui correspond aux 50% premiers pour-cent de la zone : le défi est minime à moyen, et les ressources déployées sont faibles. C'est un Flow de sérénité, de calme, ou de ressourcement. C'est la sensation de bien-être total alors que l'on joue avec son fils au ballon dans le jardin, ou lorsqu'on se prélasse dans sa piscine.

→ La Fluidité Performance (FP) qui correspond à la zone de Flow avec un enjeu important. Ce peut être un match d'envergure pour son équipe, ou la réalisation d'une opération chirurgicale intéressante pour un chirurgien. Elle met en jeu nos capacités tout en étant persuadé d'avoir ce qu'il faut pour réussir.

 

L'état de Flow comporte certaines caractéristiques : on se connecte à ses valeurs principales et ses besoins psychologiques, on est « au bon endroit au bon moment », toutes nos ressources sont mobilisées dans l'action, avec, paradoxalement, une économie d'énergie globale (puisque il n'y a pas de tensions contradictoires, toutes les cellules musculaires fonctionnent sans contraintes), il y a une sensation de totale efficacité, avec parfois une impression d'être en pilote automatique (un pilote automatique efficace, totalement différente du pilote automatique lors d'un coup d'état émotionnel). Il y a une véritable sensation de plaisir dans l'utilisation de ses capacités, qui sont exploitées à leur juste valeur.

 

Lorsque nos ressources excèdent légèrement le défi à venir, on se place dans une zone de ressourcement. Ce dernier peut être actif, je suis quand même dans l'action mais celle-ci ne me demande pas autant d'effort que dans la Zone de Flow, ou passif, je peux me régénérer « en dehors d'une action » en tant que telle. Cette zone est essentielle pour un bon équilibre énergétique, et force est de constater malheureusement que bon nombre de professionnels délaisse cette zone d'évolution, la considérant comme non-productive. Lors d'une journée de garde d'urgence, alors qu'il existe des moments de calme et de non-affluence, peu de médecins et d'infirmiers prennent un moment pour se ressourcer au calme. Ils vont refaire le tour de certains dossiers, ou se trouver des tâches actives même non importantes ni urgentes, car cela fait « mauvais genre » de se poser cinq minutes et de fermer les yeux. Apprendre à exploiter cette zone, sans y rester trop longtemps et en sachant se redynamiser quand nécessaire, fait partie intégrante d'une gestion énergétique de qualité.

 

Le risque de rester trop longtemps sans défi, avec des ressources non exploitées, est de basculer dans l'apathie, l'ennui, et son corollaire, la désactivation totale des ressources. Ici, il n'est pas question de se ressourcer, puisque cette zone est tout aussi stressante que la zone panique. La différence est qu'ici, nous sommes confrontés à un stress de sous-pression. Il n'y a plus d'enjeu, plus de motivation à entreprendre quoi que ce soit. C'est la situation de la mise au placard par exemple. Alors qu'avant, j'avais de grandes ambitions et un travail cohérent avec mes capacités, mon nouveau poste ne me permet plus de m'épanouir. Je m'ennuie, je passe mon temps à me demander ce qui ne va pas, et, petit à petit, je perds mes ressources tout en développant des croyances délétères pour mes performances. Un cercle vicieux se construit autour de ces nouvelles croyances, et toute nouvelle tentative d'établir de nouveaux objectifs est tuée dans l'oeuf pas un dialogue interne et des pensées du genre « laisse tomber, tu n'y arriveras pas, tu n'as plus ce qu'il faut pour réussir... ».

 

Dans cette zone, il est essentiel de regonfler son futur et ses compétences, , de refaire le point sur ses valeurs, ses capacités, de redéfinir des objectifs simples et concrets liés à des raisons d'être profondes, de célébrer les petites victoires et de prendre le temps de se reconstruire, que l'on soit dans cette zone depuis cinq minutes ou cinq ans. En médecine, on appelle cette zone le syndrome de la garde tranquille. En effet, lorsque l'on prend une garde aux urgences, s'il y a un afflux de patients continu depuis le matin, prendre un nouveau patient à 17 heures ne pose aucun problème, puisqu'il s'inscrit dans un flux régulier, avec une activation énergétique régulièrement ré-engagée. Par contre, s'il n'y a eu aucun passage de la journée, recevoir un patient à 17 heures demande une véritable remise en marche de tout notre système, cognitif et physiologique, car la journée calme a désactivé nos ressources. Le risque, c'est de rentrer dans le box de consultation en « Mode Apathie », avec des pensées du type « bof, pourquoi il vient consulter à 17 heures celui-là... », et toute l'énergie d'un Koala en phase de sieste.

 

De l'autre côté de la zone de Flow, lorsque la perception du challenge est un peu plus importante que la perception des ressources déployables, on trouve une des zones essentielles à connaître et à maitriser dans le développement mental : la zone de Défi.

Pourquoi essentielle ? Parce que c'est LA zone d'apprentissage par excellence. On se confronte à une situation ambitieuse, et on apprend à maitriser les différentes alternatives potentielles avec une réflexion que l'on a pas en zone de ressourcement, ni même de flow. Dans cette dernière, tout se déroule parfaitement bien, il n'y a donc pas besoin de se poser les questions nécessaires pour résoudre une problématique ou contourner un obstacle. D’ailleurs, évoluer dans le Flow s’enclenche souvent à partir de la zone de défi.

 

« L'erreur » fait partie intégrante de la zone de défi. En effet, évoluant dans une situation comportant des variables inconnues ou difficilement contrôlables, notre performance personnelle va être confrontée à tout un tas de variables pouvant conduire à un résultat non-attendu. Et c'est une autre caractéristique de base de cette zone d'évolution : l'erreur est non seulement probable, mais attendue et bénéfique pour notre croissance personnelle à postériori. « J'ai le droit de faire une erreur, mais pas le droit de la faire deux fois, ni de ne pas en gérer les conséquences ». Afin de limiter la gravité des erreurs, il est important de se créer des opportunités de difficultés croissantes. C’est pourquoi l’apprentissage doit se faire de façon logique et en pleine conscience de ses capacités croissantes. Rater une veine est moins grave sur un bras artificiel que sur un vrai patient, c’est pour cela qu’on commencera d’abord par la première phase, puis la seconde. Ne pas hiérarchiser les difficultés va conduire à faire des erreurs graves, par manque de conscience de ses ressources ou sur-évaluation de ces dernières. Faire des erreurs, mais si possible au bon endroit et au bon moment !

 

La zone de Défi n'est pas qu'une zone d'apprentissage. Elle se dessine également lors de situations complexes de survenue soudaine et/ou non attendue. Il n'y a qu'à voir l'arrivée du Coronavirus, qui a plongé le monde entier dans une zone de Défi intense pendant plusieurs années (nombre de personnes ont basculé rapidement en zone de panique … ). Il est essentiel, en zone de Défi, de faire preuve de flexibilité mentale, d'adaptation, et, plus que jamais, de laisser les croyances limitantes et les assomptions au placard afin de se construire une réalité la plus objective possible, basée sur les faits, et tenant compte des feed-back réguliers provenant des résultats que l'on obtient et de l'environnement dans lequel nous évoluons.

 

Ne pas accepter la possibilité d'erreur dans cette zone (et de manière générale, dans votre vie personnelle et professionnelle en général), c'est risquer de focaliser toute votre attention sur elle lorsque, inévitablement, elle survient tout de même, et d'engendrer une « super-erreur » beaucoup plus délétère. Nous reparlerons de tunnelisation attentionnelle, mais imaginez l'espace d'un instant que vous êtes pilote de formule 1, et que vous venez de commettre une minime erreur qui vous a coûté une place (disons, vous êtes passé sur un ralentisseur de côté lors d'un virage), si vous n'arrivez pas à détacher le regard de votre rétroviseur qui vous montre encore l'endroit de la faute, et si vous ne dégagez pas votre espace mental immédiatement pour revenir dans l'action en cours (à savoir par exemple, un nouveau virage à négocier), vous risquez, ce coup-ci, de ne pas anticiper assez la nouvelle courbe, de ne pas placer votre regard au bon endroit, de ne pas rester en contact avec vos sensations corporelles, vos mains sur le volant, vos pieds sur les pédales, et de partir dans le décor pour de bon. C'est également vrai si vous venez de rater la veine de votre patient avec un cathéter, si vous avez brulé les carottes du pot-au-feu familial, ou si vous avez oublié les documents du contrat à négocier dans la voiture.

Un des fondements de l'efficacité mentale vient de l'acceptation. J'accepte ce qui est, et je construis en fonction. Si un résultat non attendu survient, je l'accepte, ce qui me permet de l'analyser et d'en tirer des conclusions objectives qui vont me servir à me développer. Et pour cela, accepter la Zone de Défi est essentiel, et trop souvent mise de côté une fois notre éducation terminée (et encore, la zone de défi est souvent diabolisé y compris dans le système éducatif, ou chaque faute, chaque mauvaise note, chaque mauvais diagnostic est source de punition ou de remontrances).

 

Enfin, si nos ressources sont franchement sous-évaluées par rapport à la perception de la demande, ou si notre attention s'est focalisée sur une erreur commise (par moi ou par quelqu'un d'autre), il y a un fort risque de passer en Zone de Panique, zone de stress de sur-pression, ou il n'y a presque plus de contacts avec la performance. En effet, nos ressources sont jugées totalement diminuées, voire inexistantes, et le défi semble impossible à surmonter. A l'extrême, notre cortex pré-frontal, siège de notre conscience analytique, peut se désactiver sous l'afflux de cortisol, laissant champs libre à notre système limbique pour fonctionner sur un mode automatique rigide, ou nous freezer totalement, c'est à dire bloquer l'ensemble de notre fonctionnement corporel et cérébral (ce comportement semblant avec les données actuelles plutôt lié à une activation du nerf vagal amyélinique).

Il est essentiel de connaître ses marqueurs sensoriels d'entrée en mode panique, afin de savoir très rapidement réorienter notre focus vers les éléments sous notre contrôle, pouvoir ré-activer nos ressources grâce à un dialogue interne de meilleure qualité et un ou plusieurs outils de ressourcement énergétique, et revenir dans le match en évitant le découragement et l'abandon (ou pire, la réaction automatique dans un processus émotionnel totalement délétère comme la colère ou la peur).

 

Connaitre ces différentes zones d'évolution et savoir où l'on se situe lors d'une action est intéressant pour pouvoir réajuster son efficacité et mettre en place des comportements cohérents. Si je suis depuis plusieurs heures, jours, mois en zone de défi intense, il est essentiel de me régénérer, de savoir me ressourcer. Si je suis en apathie, il faut absolument que je prenne du temps pour reconstruire des objectifs de qualité tout en ré-apprenant à profiter des moments de bonheur que je vis déjà, mais que mes filtres laissent de côté car non conformes avec mon humeur du moment.

 

Enfin, une dernière remarque concernant la zone de Flow : puisque cette dernière correspond à une perception équilibrée entre demande et ressources, il est important de comprendre que, au bout de quelques situations similaires, ma perception des ressources va augmenter, et donc qu'il me faudra un défi plus grand pour régénérer un état de flow. C'est pourquoi il est essentiel de savoir réévaluer régulièrement ses objectifs, et se fixer des buts ambitieux, afin de créer suffisamment de challenge et générer de la motivation.

LA RÉSILIENCE

Cet formation a en effet pour but premier de vous aider à développer votre résilience face à l’adversité, garante de votre efficacité et de la précision de vos processus mentaux au cours de l’action. Ce terme a été largement employé lors de la dernière crise sanitaire, parfois sans vraiment être compris ni même défini.

 

Nous choisissons ici de définir la résilience comme la capacité à faire face à une situation complexe avec optimisme, cohérence et foi en ses capacités et chances de réussites, à faire preuve d’adaptabilité et de flexibilité afin d’effectuer les meilleurs choix possibles au regard des informations à disposition. En cas d’obstacle ou de contrariété, la résilience me permet d’adopter des stratégies efficaces de résolution des problèmes, et cohérentes avec mes objectifs à long terme et mes valeurs.

 

Afin de compléter cette définition, voici celle qu’en donne les docteurs Togage et Fredrickson : la résilience est la capacité à se relever, à repartir après une ou plusieurs expériences émotionnelles négatives, et à faire preuve de flexibilité et d’adaptation lors de changements rapides de situations stressantes.

 

C’est enfin la capacité de de se développer à la suite des défis de la vie, de savoir tirer des conclusions constructives de nos expériences, en particulier difficiles, en utilisant ces informations pour créer de la valeur personnelle.

 

La résilience en soi dépend d’éléments qui viennent la structurer et la renforce, et les travaux de recherche effectués dans ce domaine regroupe les principaux composants suivants :

Resilience
Resilience

 

→ L’agilité mentale, qui correspond à notre faculté non seulement à pouvoir comprendre et accepter les perspectives des autres personnes, mais également à modifier ses propres perspectives afin de les rendre plus cohérentes avec nos objectifs (et souvent, avec la réalité). Voir les événements et les situations sous un angle différent ouvre des possibilités nouvelles d’interprétations et de résolutions des problématiques.

→ L’auto-contrôle, c’est à dire la capacité de contrôler nos pulsions et nos processus cognitifs indésirables, d’appliquer des filtres dans nos expressions afin d’adapter nos émotions pour les rendre plus cohérentes avec la société dans laquelle nous évoluons. Je peux être en colère contre mon patron, mais je n’ai pas le droit de lui balancer son bureau dessus, même si mon système émotionnel me chuchote au travers d’une pulsion que c’est une très bonne idée.

→ L’efficacité personnelle et la maitrise de compétences, issues de nos formations initiales et surtout continues, et qui sont vérifiées sur le terrain, dans l’action. La boucle formation - vérification dans l’action doit être régulière et surtout constructive, il ne s’agit pas de se blâmer pour son manque de réussite, mais de comprendre les éléments à renforcer et à développer.

→ Les connaissances, amitiés, confraternités … sont importantes pour développer une résilience forte, en cela qu’en cas de difficultés, se tourner vers un proche pour parler et exprimer ses doutes et problèmes permet de se décharger émotionnellement, et parfois d’avoir une nouvelle perspective plus utile pour la résolution de la crise. L’être humain est un animal social par nature, et nous dépendons fortement des groupes auxquels nous sommes rattachés (en particulier sur un plan émotionnel). Délaisser ses contacts, amis et connaissances et s’isoler conduit rarement à un développement de sa force mentale et de sa résilience, en particulier en situation de crise, et préfigurent souvent au contraire une phase de déprime, de perte de motivation ou de chute de l’estime de soi.

→ Créer du Sens dans ses activités, définir et s’orienter vers des buts concrets et qui vont au-delà de notre propre personne favorise fortement la résilience, car nos actions s’inscrivent dans un tout plus grand que nous, résonnent à travers nous vers une cause encore plus conséquente. Nous servons le bien commun, laissant ainsi une trace de notre action dans l’histoire d’autres personnes. En cela, notre propre valeur grandit. Développer des activités qui transcendent nos valeurs et qui ont un Sens (particulièrement pour l’intérêt commun) va nous permettre de tenir bon face à l’adversité, car de mon action dépend quelque chose d’important, pour moi, et pour autrui. De nombreuses études démontrent par ailleurs que, pour la majorité des personnes, générer de la valeur pour autrui crée plus de satisfaction à long terme que générer de la valeur pour soi.

→ Le développement de l’optimisme est un des fondements de la Psychologie Positive, et de manière générale de tout processus de développement personnel. Nous allons y accorder la prochaine section.

→ Evoluer dans un environnement positif fait également parti des composantes qui renforcent la résilience, ou, le cas échéant, qui peuvent la mettre à rude épreuve. Un environnement personnel ou de travail mal adapté avec nos objectifs va nous ralentir, la où une organisation favorable va nous permettre de nous développer et nous épanouir. Nombre d’employés pensent ne pas avoir d’action possible sur leur environnement de travail, mais sans jamais avoir tenté une négociation avec leur chaine hiérarchique. Vous avez un pouvoir de proposition lorsque vous faites parti d’une équipe, n’hésitez jamais à demander, en particulier lorsque vous êtes plusieurs à penser aux mêmes possibilités d’amélioration.

→ La connaissance de Soi est bien sûr le fondement de l’efficacité, comme nous l’avons vu, mais également d’une Résilience puissante, puisque c’est en apprenant à se découvrir que l’on comprend mieux nos forces et qualités, nous permettant de réorienter nos modes de fonctionnements vers des actions plus efficaces et plus économiques (en termes d’énergie investie).

→ Enfin, disposer d’un organisme développé sur lequel on peut s’appuyer pour agir permet d’améliorer sa force mentale, car l’on dispose alors d’un allié puissant pour faire face à l’adversité : son corps. Cela sous-entend construire une physiologie favorable, et également apprendre à s’en servir de façon cohérente. Lors des épreuves de corde dans l’univers des forces spéciales, beaucoup de participants faisaient échec sur la montée de corde bras seuls, malgré leurs biceps et triceps (sur)développés, du fait d’une mauvaise coordination musculaire lors des mouvements. Il ne s’agit pas simplement de construire une architecture musculaire puissante, il est nécessaire de se comprendre, et de savoir comment économiser son énergie si nécessaire. Une partie de cette formation vous permettra de travailler sur ce point.

 

Toutes les techniques et outils que vous découvrirez au fil de ces pages auront un impact sur le développement de votre résilience. A vous de découvrir ceux qui vous permettront le meilleur développement avec la plus grande puissante, tout en vous permettant le plus d’économie. Même dans le cadre de votre développement personnel, définissez les outils les plus rentables. Ce ne seront certainement pas les mêmes que tous vos collègues, et c’est normal !

Optimisme

 

L'OPTIMISME

Au coeur du concept de résilience et de tout le courant de la Psychologie Positive, l’Optimisme se définit comme la compétence d’avoir foi en nos capacités à résoudre une situation, ou à participer à sa résolution. Elle permet de voir les éléments de pression comme des défis à dépasser, et non comme des menaces insurmontables. Elle est l’essence de la résilience, en cela qu’elle permet de s’accrocher, lors de l’action (surtout si cette dernière dure dans le temps) à l’espoir d’un dénouement positif, dans lequel j’ai une certaine capacité d’influence. En effet, il est essentiel de savoir faire la différence entre les notions d’optimisme et de naïveté, ou d’inconscience. Il ne s’agit pas, en développant son optimisme, d’adopter des comportements incohérents ou non réfléchi, au contraire ! Si vous ne savez pas utiliser le REBOA, peu importe votre niveau d’optimisme, je vous déconseille de vous lancer dans sa mise en place sur un traumatisé grave, même si vous disposez du kit dans votre service. C’est justement un des paradoxes des croyances sur l’optimisme : cette compétence permet de développer sa rationalité face à l’action et de prendre des décisions plus précises, plus en accord avec ses capacités réelles. La différence fondamentale entre le pessimisme et l’optimisme réside dans la capacité à focaliser son attention vers ce que l’on a ou peut obtenir, versus ce que l’on a perdu ou que l’on ne peut atteindre. Encore une fois, la focalisation attentionnelle est un élément clé expliquant pourquoi développer sa compétence en optimisme est important. En effet, nous parlons bien de compétence, et non d’un trait fixe de caractère. Si nous avons tous une tendance à l’optimisme ou au pessimisme, de nombreux études montrent qu’il est possible de développer le premier de façon consciente (et le deuxième, de façon généralement inconsciente … ), en comprenant et en améliorant ses sous-composantes, qui sont des habitudes comportementales. Vous trouverez ci-dessous les principales tendances comportementales qui caractérisent l’optimisme :

 

Optimisme

→ Si je suis conscient de la situation, je vais avoir tendance à mieux évaluer cette dernière, et donc à correctement identifier les problèmes et obstacles qui s’opposent à l’action. Si j’ai tendance au pessimisme, les éléments d’opposition vont m’apparaitre beaucoup plus robustes qu’en réalité, ce qui risque de me désengager de l’action ou de limiter fortement mon efficacité.

→ Les opportunités apparaissent comme des défis, ce qui implique la prise en compte de mes responsabilités quant aux conséquences potentielles de mes actions, appuyée sur une compréhension réaliste de mes capacités et de mes limites. Le pessimisme fait généralement percevoir les opportunités comme des menaces potentielles, puisque les éléments “négatifs” sont démultipliés et viennent écraser les bénéfices potentiels.

→ Les ressources externes, en particulier l’aide d’autrui, sont souvent sollicitées par les personnes à tendance optimisme. En effet, leur attention étant orientée vers la réussite des actions, et la croyance en leur potentiel, ils ont généralement moins “peur” de demander l’aide d’autrui, car cette demande ne leur apparait pas comme une faiblesse potentielle. Au contraire, l’optimisme intégrant les notions de qualités et de limites personnelles sans que cela détériore l’égo, demander de l’aide à autrui apparait comme logique, une partie souvent non négociable de la réussite d’une activité.

→ Le trait optimisme oriente l’attention vers les secteurs d’influence potentiels, et vers nos propres comportements et processus cognitifs, éléments qui sont sous notre contrôle. En effet, il n’est possible d’améliorer son efficacité dans l’action que si l’on concentre son énergie sur les éléments sous notre contrôle. Ruminer, se lamenter, penser aux choses que l’on ne peut atteindre ou influencer correspond à une perte d’énergie qui limite forcément le reste de nos actions. En particulier, penser aux pires choses qui pourraient arriver, un piège de pensées appelé catastrophisation, va fortement bloquer notre motivation et nos tentatives. Nous aborderons les biais cognitifs et pièges de pensée plus loin dans ce chapitre.

→ En lien direct avec la remarque précédente, les personnes à tendance optimiste agissent plus rapidement, dès qu’ils comprennent qu’ils ne peuvent plus engranger de nouvelles informations pour prendre une décision. A la différence des orientations pessimistes, qui ont tendance à laisser passer plus de temps avant de se décider, même si ce temps n’apporte aucune information complémentaire (et qu’ils en sont conscients). Cette procrastination permet de retarder le processus de prise de décision, et donc de ne pas avoir à assumer les conséquences potentielles de ses choix, conséquences qui sont souvent visualisées comme plus négatives par les personnes à tendance pessimiste. L’optimiste perçoit généralement qu’il a la capacité de gérer les conséquences de ses choix, puisque, comme nous l’avons vu, il a une meilleure conscience de ses capacités, qualités et limites, et peut donc orienter mieux orienter ses processus décisionnels vers des éléments sous son influence. Et comme il se soucie moins du regard des autres, il va demander de l’aide plus rapidement s’il se retrouve bloqué, sans essayer de contourner un problème qui, de toutes façons, n’est pas sous son influence.

 

Avant de continuer la description, je vous propose un petit exemple pour préciser ces premiers points. Imaginons que vous ayez un patient qui vienne aux urgences pour des douleurs cervicales franches accompagnées de migraines et d’un fébricule, avec description de frissons dans la nuit. Un médecin intérimaire qui a décidé de renforcer les urgences récemment débute la prise en charge, et il s’avère qu’il n’a pas pris de gardes depuis plusieurs années, et qu’il n’a pas réalisé de ponction lombaire (PL) depuis 10 ans. Avec une tendance optimiste, il va rapidement s’orienter vers le plus probable, une méningite, en prescrivant rapidement le bilan d’urgence avec une NFS et une CRP, et un scanner cérébral, puis s’orienter vers la réalisation d’une PL. Il va chercher un(e) collègue infirmier(e) qui sait préparer le kit, peut être rapidement jeter un oeil sur la zone conseillée de ponction, puis va se mettre en place pour effectuer une tentative. Il n’hésitera pas à demander à l’infirmier(e) ce qu’il/elle pense de son choix, de son placement … Si échec une à deux fois maximum, il va directement se désengager et chercher un autre médecin dans le service pour essayer à son tour, sans arrière pensée du type “qu’est-ce qu’ils vont penser de moi”, “ils vont se dire que je suis nul et ne pas me reprendre” …

Avec une tendance pessimiste au contraire, il est probable que le diagnostic probable soit plus long à être accepté, avec l’attente d’un ECBU, la prescription d’une radiographie pulmonaire, voire d’un scanner Thoraco-Abdomino-Pelvien afin de rechercher toute cause qui pourrait expliquer la symptomatologie. In fine, lorsque la PL semble inévitable, il est probable que le médecin cherche de nombreuses informations sur internet sur comment réaliser le geste sans se tromper (ce qui n’est pas forcément mal, si ça ne prend pas plus de quelques minutes. Malheureusement, avec une tendance pessimiste, cette recherche peut durer plusieurs dizaines de minutes). Il va aller s’installer et probablement se concentrer sur sa tâche, avec un effet de tunnelisation important (il ne faut pas le déranger à partir de maintenant pour demander une autre information, même urgente, du type “Docteur, il y a le patient de la 8 qui a une saturation à 80%”), car son mode émotionnel risque de basculer en fonctionnement colère. Il ne concèdera à contre-coeur à appeler quelqu’un d’autres qu’après 5 à 10 échecs (un médecin nous ayant rapporté qu’il avait essayé 17 tentatives, tellement il avait peur du jugement des autres). Il va alors chercher un collègue pour tenter la PL en justifiant son échec par des éléments extérieurs : “c’est le patient qui bouge trop, ses lombaires sont dans un sale état, impossible de passer l’aiguille … cherchant à limiter sa non-réussite.

Vous pouvez voir ici tout un processus de comportements et de prises de décision qui limitent potentiellement la qualité de l’action. Nous aborderons plus loin les facteurs émotionnels qui, en plus de la tendance optimiste ou pessimiste, se surajoutent et viennent d’autant plus compliquer la prise en charge des informations.

 

→ Les personnes à tendance optimiste utilisent correctement l’humour pour détendre une situation de pression, sans que cet humour soit déplacé ni mal dosé. L’humour est en effet un puissant antidote au stress, si tant est que l’on sait le manipuler avec précaution. Au bon endroit, au bon moment, et à la bonne dose.

→ Les actions des optimistes sont généralement rattachées à des valeurs, objectifs à long terme et/ou missions de vie, ce qui crée un véritable sens dans la réussite de l’action, et justifie donc que toutes les possibilités soient envisagées (toutes les possibilités cohérentes avec les valeurs et systèmes de croyance de la personne) pour atteindre ses objectifs, y compris demander de l’aide ou prendre des risques mesurés. La notion de risque est essentielle, comme nous le reverrons plus tard, car toute action avec enjeu comporte un risque potentiel, et les pessimistes ont plutôt tendance à limiter au maximum la prise de risque, et donc à diminuer fortement leur capacité d’action. En sport de haut niveau comme en entreprise, on appelle cela “jouer la sécurité”, ce qui a pour effet premier de diminuer la rentabilité et l’efficacité. Lorsqu’une équipe de football, handball, rugby … domine l’adversaire et décide de jouer la sécurité en se repliant sur sa défense, elle diminue drastiquement sa probabilité de marquer un point, et augmente par effet paradoxal ses risques que l’autre équipe marque, par focalisation attentionnelle sur les conséquences non désirées. Si vous avez déjà fait du vélo en forêt sur des pistes difficiles, vous savez probablement que se dire “il faut surtout que j’évite cet arbre, il ne faut surtout pas que je tombe dans ce trou” fonctionne très peu pour être efficace !

→ Dernière tendance majeure des optimistes, et non des moindres, ils mettent en place très rapidement des plans d’action structurés afin d’atteindre leurs objectifs, et s’y tiennent une fois élaborés, tout en acceptant les feed-back permanents permettant d’affiner ou de modifier ce plan d’action. En effet, on note souvent que la procrastination se lie fortement à l’absence de tout plan d’action, même quand des objectifs à long terme sont définis. Si je ne visualise pas de paliers pour atteindre mon but, ce dernier peut me sembler inaccessible, et aucune motivation interne ne va venir déclenche le premier mouvement. Le 4P (Premier Petit Pas Possible) est un bon élément pour déclencher l’action : qu’est-ce que je pourrais faire de très simple qui m’oriente déjà vers mon but ?

 

En prenant en compte ces tendances comportementales, il est possible d’améliorer son optimisme, en définissant des plans d’actions mieux structurés, en prenant systématiquement le parti d’agir plutôt que d’attendre, quitte à ajuster à postériori, en prenant l’habitude de demander de l’aide le plus tôt possible dans l’action, et en offrant également son aide aux autres afin de développer une compréhension cohérente des interactions entre personnes : si je prends régulièrement la place de l’aidant, je comprends qu’à ma place, les autres auront aussi cette tendance à m’aider sans jugement.

Des travaux conséquents menés par les équipes du Dr SELIGMAN ont montré que l’optimisme est une compétence qui s’apprend et qui s’entretient. Elle peut être divisée en deux sous groupe : l’optimisme basal, c’est à dire la croyance de base que des choses bien vont arriver, et l’optimisme explicatif, qui correspond à la façon dont nous allons décrire les événements. En effet, lorsque vous décrivez une situation dans laquelle vous avez eu la moindre participation, vous utilisez trois composantes pour décrire sa cause :

→ Externe ou interne : je suis la cause de l’événement ou il existe un facteur externe expliquant la situation

→ Stable ou instable : les éléments qui expliquent la situation sont stables dans le temps, ou une modification est attendue

→ Spécifique ou non : est-ce que la cause d’une situation est spécifique ou vague ?

Pour Martin Seligman et ses équipes, l’optimisme est liée à une vision des événements négatifs comme ayant des caractères EXTERNES, INSTABLES et SPECIFIQUES, c’est à dire que les événements qui m’arrivent ont une cause ou plusieurs causes sur lesquelles je vais pouvoir travailler ou m’adapter, qui ne se reproduiront pas exactement de la même façon la prochaine fois, et que je peux spécifiquement cibler pour développer mes compétences. A l’inverse, en cas de tendance au pessimisme, je vais voir les événements comme ayant des causes INTERNES (“c’est ma faute” si la situation est arrivée, ce qui est strictement différent de “j’ai une part de responsabilité dans la situation, mais toute la situation n’est pas de ma faute”), STABLES (si c’est arrivé, cela va se reproduire, et je ne pourrais rien y changer) et NON SPECIFIQUES (je ne sais même pas sur quoi porter mon attention pour améliorer ma résistance à la difficulté puisque rien ne m’apparait comme ciblé).

 

En définitive, l’optimisme est un système de croyance comprenant également un ensemble de structures comportementales, modifiables, avec un focus attentionnel centré sur les éléments de contrôle et d’influence. C’est un processus de pensée qui est orienté approche, à l’inverse du pessimisme, orienté éviction. En effet, si je ne pense pas pouvoir réussir l’action, je vais plutôt d’abord chercher à l’éviter. L’optimisme conduit à une recherche active d’informations pertinentes, là ou le pessimisme tend à orienter l’attention vers des éléments hors d’influence, conduisant à la rumination, lamentation et combat de l’inéchangeable.

Je tiens tout de même à moduler ces propos en fonction du degré de réalisme de l'optimisme. Vous l'avez compris, lorsqu'on parle d'optimisme en Psychologie Positive, on sous-entend optimisme réaliste. En effet, si l'on se réfère au diagramme suivant :

 

Optimisme Realiste

vous pouvez trouver en réalité quatre situations :

  • les pessimistes irréalistes, qui sont totalement déconnectés de l'action, parfois complotistes puisque déconnectés de la réalité avec une forte tendance à voir les aspects négatifs de la vie.

  • les pessimistes réalistes, qui portent en eux énormément de frustration puisque, ne passant pas à l'action, ils ne peuvent générer de résultats positifs, dont ils savent que ces derniers dépendent de leur inaction. Il existe souvent un fort ressentiment de culpabilité, et généralement un manque flagrant de plan d'action

  • les optimistes irréalistes, qui vont utiliser certaines tendances de l'optimisme mais déconnecté de la réalité. Il manque souvent un plan d'action précis et une prise en compte des obstacles potentiels et des faits en soi. Les rêveurs irréalistes ont plutôt tendance à suivre des intuitions basées sur des croyances non vérifiées, qu'à s'appuyer sur des faits.

  • Enfin, les optimistes réalistes qui correspondent à la véritable définition que nous avons donnée plus haut, proactifs, et dont les plans d'actions sont basés sur des objectifs concrets, en lien avec leurs valeurs fondamentales, et qui savent intégrer les feedbacks réguliers afin d'optimiser la suite du déroulé des actions.

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